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Histoire du Genevois
15 décembre 2007

Voyage en Tarentaise 25/08/07

 

 

moutiers

 

 

 

 

6 h et quelques chouias, il fait encore noir ce matin. Endormi et hagard, le petit groupe de membres de La Salévienne quitte Saint-Julien-en-Genevois pour visiter en car la Tarentaise. Pendant que les uns tentent de prolonger leur nuit, d’autres ébauchent leurs premières conversations : et votre jardin ? et la santé de votre belle-sœur ?. C’est le principal intérêt de ce genre de journée : échanger des impressions ou des plaisanteries, revoir de vieilles connaissances. Tous les milieux se côtoient. A travers la vitre, nous apercevons au bord d’une haie une biche donnant à téter à un faon, puis le chantier de l’autoroute provoque notre admiration devant ce témoignage du génie humain. Des prairies blanchies par le froid défilent.

 

 

 

 

Scan10001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous arrivons enfin à Moutiers, petite ville de 4621 habitants, encerclée par les rocs, au centre d’un croisement de vallées. Le plan de la ville a l’air romain avec croisement des axes du cardo et du decumanus. Le vieux pont date de 1785.

 

Nous entrons dans le palais de l’archevêque, à deux ou trois mètres de l’onde bouillonnante. Autrefois ses murs épais le protégeaient des inondations ravageuses. Nous sommes reçus par la présidente de l’Académie du Val d’Isère. Jadis l’archevêque présidait l’association.

Visite du Musée des Traditions Populaires. Devant des outils de vignerons, nous apprenons qu’il y avait des vignes sur les adrets ; d’ailleurs on vient d’en replanter. Dans la pièce suivante, une discussion s’engage sur les noms patois des diverses scies. Chacun donne son avis. Dans mon village on dit comme ceci, dans le mien on dit comme cela. Qu’en pensez-vous Edmond ? Voici maintenant les pots. Quelques-uns ressemblent à ceux de l’Alsace ; au XVIIIe s des artisans seraient venus s’installer en Savoie. Plus loin, on nous apprend que l’on peignait les charrues en bleu car cette couleur repoussait les mouches.

Au premier étage, se trouve le musée de la société savante. Des objets rappellent l’intense activité industrielle qui animait naguère Moutiers. Il y avait des salines : durant la seconde moitié du XVIIIe s. on produisait annuellement 11500 quintaux de sel par an, vendus ici et en Suisse. Cela explique la destruction des forêts qui alimentaient les chaudières, fournissaient des poteaux des galeries etc. Des imprimeurs aussi travaillaient ici. Sous le Premier Empire, l’Ecole des Mines s’installa un temps à Moutiers.

L’identité de la vallée fut toujours remodelée par la mondialisation. On a découvert des objets égyptiens dans une tombe gallo-romaine : sans doute un soldat pratiquant le culte d’Isis. Des amphores contenaient de l’huile d’Espagne et du vin d’Italie. Les Romains utilisaient des poteries faites dans le Massif Central et à Vienne.

Sur la porte d’une vieille armoire, des poèmes de Rousseau ont été peints :

Renonçons au stérile appui

Des Grands qu’on implore aujourd’hui

Ne fondons point sur eux

Une espérance folle.

 

La visite terminée, nous passons à l’église cathédrale, voisine du Musée. Son abside romane était couverte d’un enduit peint en blanc. Selon la conférencière, la présence de deux portails traduit peut-être une influence germanique. La Tarentaise relevait du Saint Empire Romain Germanique.

Bon allez hop, faut pas traîner. Il y a encore du pain sur la planche. Zou, dans le car ! Allez, François, on arrête de discuter ! hop hop hop !

 

aime

 

 

Nous voici à Séez. L’aimable repas permet d’entretenir des conversations prolongées. Nous avons juste le temps d’avaler à toute vitesse le café, et hop, en route vers de nouvelles aventures. Allez, allez ! On ne traîne pas… Evidemment, certains retardataires se perdent.

 

Visite de l’église baroque. Sur la poutre de gloire peinte en bleu, saint Pierre et saint Paul curieusement déhanchés entourent le Christ. Le retable de 1683 couvert d’or révèle la richesse de la population. Autrefois le mobilier des églises changeait souvent ; l’idée de conservation du patrimoine est récente. Nus ne pouvons pas nous attarder car des mariages doivent s’y dérouler. D’ailleurs, dans la rue nous croisons les futures mariées avec leurs belles robes.

 

Au Musée de la Faune, nous admirons des animaux empaillés dans leur décor naturel reconstitué. Ce musée privé a été réalisé par un taxidermiste aussi passionné que talentueux. Nous essayons d’identifier les animaux II y a des sangliers, des blaireaux ; un pivert, un aigle royal... Nous traversons un intérieur de ferme reconstitué avec ses outils et son poste de radio.

 

Autre lieu de visite, le Musée Saint-Eloi. Le forgeron Roland fabrique devant nous des roses en métal. Le rougeoiement de la braise, le bruit du marteau et la puissance du martinet nous fascine. Au début, le forgeron se montre peu loquace puis voyant notre intérêt il nous explique son tour de main. Quelle science. Il appris son métier d’un forgeron italien réfugié en France qui cherchait à fuir le régime fasciste de Mussolini. Maintenant, déclare Roland, je suis le dernier à connaître ces techniques, je n’aurais pas de successeur.

Au premier étage, un autre passionné nous parle de la fabrication des bijoux. Il remplace Jean, vieil orfèvre de 80 ans, aujourd’hui absent. Il y a une grande variété de bijoux parce que chaque village avait son modèle. Ainsi, lorsque les femmes venaient à la messe ou au marché, sans qu’elles aient besoin de parler, on savait d’où elles venaient.

Elles fabriquaient de la dentelle, comme au Puy. Le soir, lorsqu’il faisait sombre, elles allumaient une bougie mais si cela ne suffisait pas, sur la table elles posaient une bouteille d’eau remplie d’un liquide bleu qui fournissait une lumière vive et reposante. Cette technique astucieuse a servi aux bijoutiers.

La collection a été constituée par Jean. Dans les années soixante, les femmes se débarrassaient de leurs bijoux traditionnels, démodés, symboles d’un passé de pauvreté qu’elles voulaient oublier. Avec le produit de la vente, elles s’achetaient une cuisine en formica. Jean acheta beaucoup de pièces qu’il a donné au musée. De nos jours, ces bijoux reviennent à la mode. Avis aux élèves : on manque de bijoutiers.

 

croix

 

Au deuxième étage, nous observons des photos sur l’art baroque. Un art qui peut être défini comme la liberté dans le mouvement. Le baroque s’inspire de la nature, des décors de théâtre, il veut transcender les limites pour atteindre l’infini. Parmi les visiteurs, les avis sont partagés. Certains admirent l’exubérance de couleurs et de formes, d’autres se montrent décontenancés.

 

Bon allez, pas le temps de philosopher. Nous courons maintenant à toute allure vers la Tannerie Favre. Heureusement la pente descend. Le tannage était un travail dur, malodorant. Ici l’outillage est complet et en plus il y a des vidéos. Sur un documentaire, un ancien ouvrier montre son savoir puis conclue avec amertume : je n’aurai pas de successeur.

 

Eh, mais ce n’est pas fini ! A Aime, nous visitons la célèbre basilique romane, joyau de l’art en Savoie. Elle fut construite vers 1014, probablement sur les ruines d’une basilique romaine, sorte de salle de réunion municipale. Toute proche, la carrière de Villette fournissait un marbre couleur lie-de-vin ou gris. Il avait deux clochers, détruits sous la Révolution ; l’un fut reconstruit par la suite. Un enduit protégeait les murs des remontées d’humidité et du vent.

 

Cette fois, la journée de visite est bien terminée. Dans le car, les voix deviennent plus atténuées, Certains yeux se ferment. Les lumières du lac d’Annecy brillent comme des étoiles.

Je crois que nous passerons une bonne nuit.

 

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