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Histoire du Genevois
17 mai 2011

Les ours de Savigny (74)

Les ours de Savigny (Haute-Savoie)

Texte de Félix Fenouillet vers 1910.

 


 

« La montagne du Vuache contre laquelle s’appuie à l’Est la commune de Savigny recéla souvent autrefois dans ses grands bois et ses solitudes profondes des bêtes sauvages, entre autres des ours et des loups. Ces derniers y firent notamment de 1749 à 1751 de nombreuses victimes dans la population de Savigny et des communes voisines. Les registres paroissiaux en font foi. Les ours semèrent parfois aussi la terreur : les uns et les autres furent tous chassés et pourchassés et finirent par disparaître. Il est resté dans le peuple plusieurs traditions ou légendes relatives à ces animaux. En voici deux que tout le monde connaît à Savigny.

 murcier

1) L’ours et le loup

Un ours et un loup de rencontrèrent par hasard une fois au lieu-dit à Plamont. Tous deux étaient affamés. Ils s’attaquèrent immédiatement.

L’endroit était parsemé de roches dont le surface était creusée de rigoles, de trous profonds, comme celles qu’on appelle lapiaz dans les montagnes des environs d’Annecy. Dans la fureur de la lutte, le loup sentit tout à coup son pied pris dans la crevasse de la roche. Ses mouvements paralysés il fut incapable de se défendre plus longtemps et l’ours le dévora entièrement.

Sur ces entrefaites l’ours aperçut du bruit. L’ours était trop lourd pour courir à travers la forêt et se mettre à l’abri de tout danger ou pour se débarrasser des chasseurs en montant sur un arbre. Tout alla bien pour commencer : il atteignit sans trop de peine la première branche, mais ayant mis la patte dessus, il voulut s’élever : alors le poids de son corps plein de viande fit écailler en partie la branche, qui cependant ne se sépara pas du tronc et permit à l’ours, en s’appuyant dessus d’une patte de se hisser plus haut. Mais ayant atteint de l’autre patte une autre branche, quand il voulut s’y suspendre, le poids de son corps qui tenait la branche inférieure ayant diminué et s’étant porté sur l’autre branche, la première se redressa tout à coup et sa patte resta prise dans la fente. Impossible de l’en retirer. Il dut rester sur l’arbre et y mourut de faim.

 

2) L’ours et les poires (Savigny)

 

Un habitant du village de Cessens avait un beau poirier couvert d’excellentes poires, qu’un ours venait manger chaque soir peu à peu et menaçait de n’en laisser point. Le propriétaire n’osant attaquer l’ours directement imagina un stratagème pour le faire périr.

Il ramassa d’abord toutes les campannes (sonnettes) des vaches du village et alla les suspendre au sommet de l’arbre, les reliant entre elles par une ficelle dont le bout allait jusqu’à sa maison. Il fit ensuite plusieurs herses qu’il coucha autour du pied du poirier, les dents en l’air ; puis il attendit le soir et guetta son maraudeur.  La nuit venue, l’ours ne tarda pas à arriver. Malgré les dents des herses, il monta facilement dans l’arbre. Mais aussitôt qu’il fut dans les branches, l’homme se mit à tirailler la ficelle et voila toutes les sonnailles à faire un carillon du diable. L’ours fut tellement surpris qu’il se laissa tomber et alla s’embrocher dans les dents des herses. Il eut les entailles percées et en creva ».

Commentaire par Philippe Duret

Extraits du dossier Fenouillet conservé dans le manuscrit n° 1774 (enquête sur le folklore, 1910) de la Bibliothèque de l’Académie Florimontane. 

Félix Fenouillet fut « l’historien » de Savigny (Haute-Savoie). Ces histoires sont fort connues à Savigny, Dingy, Vulbens.

Marius Benoit, de Faramaz (Vulbens, 74), me les raconta vers 1980. Dans sa version un ours recherchait du miel et se coinça dans un tronc. Un autre ours aurait été éventré par un taureau.

Il existe à Chevrier une grotte dite de l’ours et à Vulbens une fontaine dite de l’ours, bien alimentée en eau avant la construcion de l'autoroute à la fin des années 1970. La tradition raconte que jadis les seigneurs venaient au château de Vulbens pour y chasser l’ours. Un inventaire du château fait en 1563 mentionne une peau d’ours (ADHS, 7 J), une arquebuse pour la chasse, une trompe de chasse. Les fouilles du château ont mis à jour des restes d’ours dans des couches des XIVe et XVIe siècles.

Le lieu-dit Plamont se trouve au sommet du mont Vuache, au dessus des Chavannes.

Les lapiaz sont des ciselures résultant de l’érosion d’une roche calcaire. On en trouve sous le Golet du Pet.

Le dernier ours fut tué au-dessus de Vulbens vers 1840, selon Marius Benoit (Echos Saléviens n°2).

 

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