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Histoire du Genevois
15 décembre 2007

L'idéalisation du "patrimoine"

Inauguration du verger communal de Dingy-en-Vuache

Mardi18 avril 2007

Ce petit verger compte sept arbres dont la plantation a été préparée depuis plusieurs mois par les enfants de l’école sous la conduite de leurs enseignants. Il a fallu creuser des trous, évacuer l’eau qui les comblait régulièrement, charrier la terre etc. Un travail que les enfants aimèrent, apprenant le sens de l’effort, du travail bien fait, de l’esprit d’équipe etc. Cela offrait aussi l’occasion d’une leçon pratique de sciences naturelles.

verger3Le jour de la cérémonie, pendant que les préparatifs se déroulaient, que l’on fixait les tuteurs des jeunes troncs, que l’on sortait les panneaux explicatifs, les enfants couraient joyeusement d’un plant à un autre. C’est lequel, le tien ? Oh pourquoi il n’a pas encore de feuilles ? Les mamans attendries faisaient semblant de s’inquiéter : vous l’avez bien arrosé, au moins ? Pendant ce temps, d’autres gamins jouaient à l’épée avec des bouts de bâton, ou se prenaient pour des héros de dessins animés. Je suis le chevalier de l’espace ! En garde ! De très jeunes demoiselles se confiaient leurs malheurs : mon frère, il n’arrête pas de m’embêter !

Les préparatifs achevés, il fallut abandonner les jeux et les conversations pour passer à la cérémonie officielle. Oh, merde, les discours ! s’écria un enfant plein de bon sens.

Le maire de Dingy fit une allocution courte et sobre, de même que le représentant du syndicat intercommunal du Vuache.

Puis le représentant de l’association écologiste Apollo 74 prit la parole pour un discours interminable. Il expliqua la nécessité de conserver les vieux vergers en train de disparaître depuis plusieurs décennies faute d’entretien : les poires blosson qui font de bonnes rissoles, les poires caoué, les pommes pépines etc. Il rappela avec raison la beauté des vergers au printemps, couverts de fleurs de mille nuances du blanc ou rosé. Il expliqua que les arbres fruitiers créent de petits écosystèmes, protégent certaines espèces de fleurs ou d’insectes. Il lança un appel vibrant pour que l’on protège les chouettes chevêche qui nichent uniquement dans les arbres fruitiers. Il n’en resterait qu’une quarantaine de couples sur les cantons de Genève et Saint-Julien. Absolument dramatique.

A côté de cela le drame vécu par les clandestins qui passent la frontière, les travailleurs polonais sous-payés, le non-respect du code du travail, l'installation du tout-à-l'égoût, les captages d'eau, l'entretien des canalisations, la mise en réseau du système hospitalier, la modicité des retraites agricoles, le manque de logements ou les conditions de vie des quartiers difficiles apparaissent probablement comme des sujets secondaires (!!!)… Je me souviens de cet ami paysan qui me déclara un jour avec inquiétude : Philippe, comment faire pour nourrir une famille de personnes avec un revenu de 5 000 F par mois ?

Apollo 74 lança l’anathème contre les produits chimiques utilisés dans les vergers modernes. Vous savez qu’ils pénètrent dans votre corps. Je vous assure que l’on a trouvé des produits chimiques jusque dans le cordon ombilical des mères. La chimie se transmet de la mère à l’enfant ! Est-ce qu’au moins vous épluchez les pommes que vous achetez, c’est très important, vous savez ! La rigueur scientifique de ces propos me sembla fragile.

Enfin, l’association Les Croqueurs de pommes présenta son action de sauvegarde des vergers anciens.

Puis le représentant d’Apollo 74 reprit une nouvelle fois la parole pour souligner les méfaits des produits chimiques, la nécessité d’être écologiste etc.

Les thèmes dominants des discours étaient : le patrimoine, l’écologie, la pédagogie et la transmission, le combat contre le temps qui passe.  Je fus très étonné de constater l'apparition de ce dernier thème : transmettre un peu de nous aux générations futures, survivre à notre mort. N'est-ce pas un thème habituellement réservé aux religions ? La vie future... La vie après la mort... Il est vrai que comme plus personne ne va régulièrement à la messe, il ne faut pas s'étonner que l'écologie et le discours patrimonial comblent le vide. Le syndicat intercommunal et les écologistes remplacent le curé absent.

L’assistance peu nombreuse écoutait sagement.

vergerDEVPuis le maire, aidé par les enfants, dévoila le panneau officiel du verger qui célèbre la « mise en valeur du patrimoine savoyard, témoin des âges et du temps ».

Pourtant le patrimoine n’est pas immobile : les espèces locales n’existent pas de toute éternité ; il y a toujours eu des variétés qui disparaissaient pendant que d’autres faisaient leur apparition. Si on veut sauver les espèces anciennes, ne serait-il pas plus efficace que chacun en plante dans son jardin ? Pourquoi cet amour du symbole et des cérémonies publiques ? Est-il indispensable qu'un syndicat intercommunal intervienne sur ces questions ? L'écologie et la conservation du patrimoine ne font-elles pas office de religions ? N’y a-t-il pas des priorités plus urgentes ?

On fixa enfin les étiquettes sur les arbres : pommiers Franc-Roseau, Rambour d’été, La Nationale, Reinette Bauman, Reinette de Mâcon, Decio, Grand’ Mère.

Une collation fut offerte.

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