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Histoire du Genevois
9 août 2012

Ph. Muray contre les festivistes

Des menhirs en folie, du comique citoyen et des clowns en clinique

 

 Philippe Muray.

 

Texte initialement paru dans la Revue des deux mondes en juin 1999.

 Republié dans Philippe Muray Après l’histoire, Gallimard collection Tel, 2000, page 443.

 

 

Dans ce texte mordant et railleur Ph. Muray se moque de cette mode qui transforme (saccage ?) les monuments du passé en sites patrimoniaux, touristiques et commerciaux. Il critique un projet de 1991 concernant les menhirs de Carnac en Bretagne. Ce projet pharaonique consistait à rendre le site payant, dévier une route, détruire des exploitations agricoles enclavées dans le site, construire un musée etc.

Il faut reconnaître que la libre fréquentation du site posait problème car elle dégradait à la fois les monuments (déchaussement des menhirs) et l’environnement (destruction des plantes par le piétinement de visiteurs trop nombreux).

 

La mobilisation des habitants et de l’association Menhirs libres força les Autorités à abandonner en 2003 les aspects les plus destructeurs du projet. Néanmoins certains de ses aspects ont été réalisés : les grillages autour des menhirs, l’obligation de payer un ticket d’entrée, le musée Archéoscope, le belvédère, les expropriations de terrains agricoles.

 

affiPB 

Cette transformation (irrespectueuse ?) d’un site archéologique n’est pas nouvelle. Dès la Préhistoire, les chemins qui traversent le site transforment le paysage. Il y un siècle on redresse (artificiellement ?) les menhirs couchés sur le sol.  Un peu comme si on avait reconstruit la pyramide de Khéops dans son état d’origine ou comme si on avait détruit toutes les transformations du château de Versailles postérieures à Louis XIV.

Philippe Muray a peut-être raison lorsqu’il écrit que respecter ce monument consistait à le laisser mourir.

A-t-on reconstruit le forum de Rome tel qu’il était sous Jules César ?

 

L’association Menhirs libres propose un aménagement plus doux : pas de grillage, plusieurs petits parkings dispersés etc.

 

Pour en savoir davantage, voir les sites :

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Alignements_de_Carnac

http://www.menhirslibres.org

http://destroyedlolo.info/galerie/France/Bretagne/Carnac/

Dans http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Carnac on trouve cette belle formule :« Les menhirs sont de gros cailloux gris parqués dans des zoos. Les touristes s'amassent autour des grillages pour leur jeter des cacahuètes. »

 

 220px_France_Carnac_maison_des_megalithes

 

 

 

 

 

Notons que sur plusieurs sites internet, le grillage qui entoure les menhirs a été effacé des photos. Comme l'écrit Ph. Muray, certains sont gênés par la réalité.

 

Extraits de l’article de Ph. Muray

 

Ainsi croit-on, ou fait-on semblant de croire, ou voudrait-on faire croire aux imbéciles, que l’on arrache à un « siècle qui meurt » quelque chose qui de toute façon est déjà irrésistiblement déjà mort de sa belle-mort, une mine désaffectée […] pour le mortifier encore davantage en le transformant en cimetière à loisirs et en y faisant régner les plus crétins des morts (les amateurs de « glisse », les touristes).

 

De même n’est-il pas permis aux alignements de pierres levées de Carnac de rester ces ennuyeux témoignages du néolithique qu’ils ont toujours été. […].

Il se trouve que les habitants de la commune de Carnac, quelque peu chagrinés de se voir imposés une modernisation dont ils n’avaient nul besoin, se sont ligués pour tenter d’en étouffer les savoureuses promesses dans l’œuf. […].

 

La réalité est une chose que les festivistes ne peuvent plus du tout tolérer. Il faut qu’ils transforment en fétiche ce qu’ils tuent ; et rendent un culte aux simulacres par lesquels ils ont remplacé ce qui ‘avait que le tort d’exister sans eux. […].

Aucune dignité n’est plus autorisée, et jusque dans les ultimes secondes de l’existence. Il n’est même plus permis de disparaître, je veux dire de mourir, autrement que parmi les fumigènes pestilentiels de la honte festive. […].

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