Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Histoire du Genevois
29 mai 2011

La "Description du Genevois" de Barfelly

La Description du Genevois par Barfelly (extraits)


B.N. Manuscrits français 32 887

 

Ph. DURET

article paru dans le Bénon, publication de La Salévienne

http://www.la-salevienne.org

 

Introduction

 

 

 

Le mémoire de Barfelly est une source aussi capitale que célèbre sur le Genevois du XVIIe s. En 1942 Pierre Duparc a publié essentiellement les passages sur Annecy, quelques analyses ont aussi paru, d’autres textes du même auteur ont été publiés, mais chose étrange, le mémoire n’a jamais été publié complètement.  Nous nous proposons ici non pas de tout livrer, cela dépasserait les possibilités de notre petite société d’histoire locale, mais d’offrir aux lecteurs quelques fragments supplémentaires avec nos commentaires assortis.

 

Ce volume conservé à la Bibliothèque Nationale de France est relié en veau gaufré aux armes de Savoie, de 209 feuilles papier, format 195 x 140 mm. Dans l’inventaire son titre est « Mémoire historique sur la ville d’Annecy et sur les droits des ducs de Genevois et de Nemours ».  Ce titre ne figure nulle part dans l’ouvrage pour la bonne raison qu’il manque les premières pages.

L’écriture est facilement déchiffrable, avec quelques traits d’époque : Les V correspondant à nos U, les Z correspondant à nos S etc.  Les accents sont rarement mis, l’accent circonflexe n’est pas encore apparu. Les majuscules apparaissent et disparaissent à tout  moment, la ponctuation est défaillante.  Le découpage en paragraphe n’est pas évident à déceler.

Un autre manuscrit existe à Chambéry.

 

Selon Pierre Duparc l’auteur serait Maurice Barfelly, conseiller du duc de Genevois, procureur fiscal et domanial du Genevois.  Il appartenait à une famille noble de Saint-Jorioz. En 1607 il charge un praticien de Genève de demander aux syndics de cette ville de venir déposer[1] pour l’instruction d’une affaire judiciaire. Nous le voyons en 1607 faire un échange avec les communiers et religieux de Saint-Jorioz ; en 1609 il admodie une maison ; en 1612 il admodie une vigne à Menthon ; la même année il en achète une autre ; en 1614 il achète au Thiouz à Annecy une « serve soit réservoir à poisson » avec une chambre ; il les revend aussitôt au duc pour 751 florins.  Il avait aussi la concession d’une mine de fer au Semnoz, près d’Annecy.

 

Dans ce texte, l’auteur commence par parler de l’acte de 1443 par lequel « Amé » (Amédée VIII) duc de Savoie (à l’époque c’était un Etat indépendant) émancipe son fils Philippe.  Il évoque ensuite l’acte de 1439 qui l’institue héritier pour la partie du Genevois. Cette région qui venait de disparaître en tant que comté indépendant renaissait sous forme d’un apanage autonome au sein de la maison de Savoie.


Barfelly poursuit en parlant des autres princes de cette famille.

F° 12 il décrit les institutions du Genevois.

F° 34 se trouve un dépliant qui trace une brève généalogie.

F° 41 début de la description du Genevois :

« Il confine du costé de septentrion aux mandements de Mornex, Curseilles chaulmont et le mont de Sion qui aboutissent au baillage de Ternier en Savoye proche Genève et le Rhosne sépan ? le mandement de Chaulmont en Genevoys du mesme costé des le village de Bans en tirant contre la Clusaz et des le pas de la Clusaz en bas iusques au mandement d’Arlod le Rhosne fait la même separation » etc.

Puis suivent les mandements : leurs confins, dimensions, leurs particularités commerciales (Barfelly est un esprit ouvert aux affaires), la description du bourg principal, les autres paroisses :

F° 42 le mandement d’Annecy. 

D’abord promenade dans la ville elle-même, ses couvents, ses églises. Par exemple f° 114 et 115 les soeurs de la Visitation, f° 128 verso le château d’Annecy. 


Après (f° 132 verso) l’auteur décrit les 33 autres paroisses du mandement :

F° 146 v° mandement de Chasteau Vieux

F° 149 r° mandement de Duing

F° 149 v° mandement de Faverges

F° 151 v° mandement d’Ugine

F° 154 r° mandement de Thonoz

F° 157 v° mandement de La Balme

F° 159 r° mandement de Clermont

F° 161 v° mandement de Chaumont

F° 164 r° mandement du Vuache

F° 164 v° mandement d’Arlod

F° 167 r° mandement de Cruseilles

F° 170 v° mandement de Mornex

F° ? mandement de La Roche

F° 175 v° mandement de Rumilly

F° 177 r° mandement de Beaufort

F° 178 v° mandement de Guégo

F° 179 r° mandement d’Alby

F° 181 r° mandement de Groisy et Cessens

F° 183 v° état de la noblesse du Genevois, principales maisons nobles

Puis on évoque la duchesse de Genevois-Nemours.

Le volume se termine par les funérailles (6 Août 1632).grandioses et baroques d’Henry duc de Genevois, de Nemours et de Chartres, époux d’Anne de Lorraine

 

L’ouvrage semble dater de 1635.  Que se passe-t-il à cette époque[2] ? Charles-Emmanuel duc de Savoie mêne un jeu diplomatique et militaire assez compliqué et changeant, n’arrivant pas à choisir entre ses différents voisins.

En 1601, Henri IV irrité envahit la Savoie et obtient la Bresse, le Bugey, le Valromey et le Pays de Gex. Le pont de Grésin et une étroite bande de territoires entre la Valserine et le Grand Crêt d’Eau restent à la Savoie.  Celle-ci, rejetée à l’Est du Rhône, tend devenir la partie pauvre d’un Etat de plus en plus italien.

En 1603, ayant échoué à redorer son blason par une attaque contre Genève (l’Escalade), le duc de Savoie signe le traité de Saint-Julien qui marque la fin des hostilités ouvertes avec la grande cité lémanique. Le fort Sainte-Catherine (Viry) qui menaçait la ville est rasé.

Le duc se tourne alors vers l’Italie.  En 1613 il envahit le Montferrat, territoire du Piémont entre Turin et Alexandrie, enclavé au milieu de ses territoires. Ce faisant il s’oppose à l’Espagne. Mais la France l’oblige à faire la paix.

Henri 1er de Genevois-Nemours (1572-1632), duc de Genevois (cette région avait été érigée en duché autonome depuis 1514) et cousin du duc de Savoie rue alors dans les brancards et s’allie avec l’Espagnol, espérant ainsi agrandir ses territoires et gagner son indépendance pure et simple. Mais militairement il n’est pas assez fort : son apanage est investi par l’armée ducale. Cependant il n’a pas tout perdu : un gros dédommagement financier lui est laissé pour l’encourager à revenir dans le giron savoyard.

Le duc de Savoie va courtiser de près son grand voisin de l’ouest, la France : 1619 mariage de Victor-Amédée avec la fille d’Henri IV, 1623 traité avec la France.  Voyant que celle-ci est occupée à faire le siège de la Rochelle, le duc de Savoie recommence ses opérations en Italie.

Louis XIII et Richelieu arrivent en Italie en 1630, puis occupent la Savoie.  Encore une fois le duc de Genevois négocie en secret un accord avec l’ennemi, dans ce cas la France dont il avait toujours été très proche, passant une grande partie de son existence dans ce pays.

C’est à ce moment que Charles-Emmanuel meurt. Victor-Amédée 1er le remplace.

Par les traités de 1631 la France acquiert la forteresse de Pignerol et rend au duc ses Etats.  Maurice et Thomas ambitieux frères du duc passent alors dans le camp espagnol. 

Mais en 1635 Richelieu oblige la Savoie à faire partie d’une nouvelle coalition anti-espagnole.

 

 

 

Le texte :

 

 

J’extrait ici la description des mandements se trouvant sur le territoire de la Salévienne (entre le Vuache et le Salève, entre le Rhône et les Usses) en annexant cependant la Semine.

 

 

 

« Le mandement de Chaulmont contient de circuit trois lieu, une de largeur et une lieu et demy de longueur composé en ovale, il y a une montaigne laquelle prend son commencement au bourg de Chaulmont tirant iusques au fleuve du rosne droict a la forteresse de la grande cluse situés riesre gex laquelle forteresse est separee d’avec la dite montaigne par le Rosne ; elle produit quantité de bonnes truffes et les meilleurs de la Savoye se tirent de son ventre ? dernier le chasteau de chaulmont et au dessus du vilage d’arcine, les peisans cognoissent le lieu ou elles sont en noiant l’herbe bruslée sur la terre et parfois meinent des porseaux façonnés à cela qui les descouvrent en boutouant avec le museau.

Ce mandement se confine du costé d’orient à la parroesse de Cernex mandement de Curseilles et la comté de Viry qui est au baillage de Ternier, du costé d’occident sont les parroesses de Vansy et Esloyses - dans le mandement d’Arlod séparés par deux ruisseaux appellés le nant de mons et le nant de parnant ?, du costé de midy la parroesse de sercier mandement de Curseilles la parroesse de chettonex au comté de Salleneufve et la parroesse de Chilli au mandment de clairmont et encores les vilages de quincier et champagnie parroesse de fringier, tous les dictz lieux separés par le torrent des usses et du costé de septentrion le fluve du Rosne qui separe la province de genevois d’avec le peis de Gex et la terre du mandement de Balon.

Il contient quattorze parroesses dans lesquelles est le bourg de chaulmont petit eslevé sur le copeau du roc sans portes, son entrée est de deux costés par des degrés cisaillés dans le roc, les abitantz entre aultres leurs privileges et franchises ont permission de noz Serenissimes Princes (chose ridicule) de iouer du tour de passe passe appellé - carabache a forme des Egiptiens - ne paient aucune leyde; commun ni gabelle dans le bourg et ont leur marché le mardy tellement franc que lon ne peut emprisonner une personne pour debte civil, pas mesme s’il est trouvé par chemin y venant.  Ilz ont l’eau sy esloignée que pour leur usage ordinaire faut qu’ilz L’allent prendre a demy lieu loin. Lon y tient quattres foires l’année, à la St Jean en Juin, Ste Luce en décembre, Ste Agathe en janvier, St Jaques et St Christofle en Juliet - dessus le bourg sont les masures d’un vieux chasteau qui a esté aultrefois fort ; la Justice s’y exerce par les chastelains soubz le nom de Monseignr le duc de Nemours sauf en quelques vilages et Jurisdictions du dict Mandement.

La parroesse d’Arcine est Jurisdiction limité a laquelle noble Claude de Verboz seign du dict lieu establit Juge chastelain, et aultres officiers et la Jurisdiction s’y exerce soubz son nom.

La parroesse de Clarafons est le repaire et retraittre des loups esquels elle abonde.  La parroesse de Chessenaz.  La parroesse de fringy abondante en bons et excellentz vins blancs et particulièrement de ceulx appellés aricocques qui sont les meilleurs de toute la Savoye.  Il y a une foire l’année le jour de St Lucas en octobre.  La parroesse de st Jean.  La parroesse de Savigny.

La parroesse du Vuache est cotoiée par la riviere du Rosne et particulierement les parroesses de Coligny et Arcine en dependantes riesre lesquelles quelques abitantz recoignoissent le paliage en faveur du seign duc de Genevois et de Nemours et paient trente solz annuelz pour iceluy, lequel paliage consiste en ce que tolzrecognoissantz se retirent pendant la plus grande rigueur de lyver ou au temps des plus grandes chaleurs pendant que les eaux sont basses au bord du rivage du Rosne dans lequel avec des claies qu’ils posent au mesme lieu et au bord de l’eau ils prennent le sable du Rosne et le iettent contre ces claies pour l’espurer et trouvent au fondz des grains d’or tout pur procedans ainsy que les anciens du lieu ont par tradition commune d’une veine soit filon qui sort de la riviere d’Arve, et par fois tolz paliageurs recuillent a demy ducatton d’or par jour pour homme, duquel sable ilz ramassent le plus net et le vendent à Genève ou allieurs pour mettre sur lescripture qu’ilz nomment moret, il est tout noir avec quantité de grains luisans en dedans. On n’a iamais peu apprendre le lieu de la veine et filon de cette mine sablonneuse. 

Quand les cartaginois vinrent premierement en espaigne soubz la conduite d’Amilcar Barca ils trouverent iusques aux mangeoires des chevaulx et aux tonneaux de pur argent, puis se mirent a faire fouiller de novelles carrieres de l’une seule des quelles nomme Bobolo du nom de celuy qui premier La trouva près la frontière d’Aquitaine Annibal tiroit de prouffit plus de trois mille escudz vaillant par chasqun iour.  Les Romains en descouvrirent d’aultres près de Cartagenes ou ilz tenoent quattre centz ouvriers d’ordinaire et en retiroent de revenu chasqun iour a deux mille cinq centz de nos escudz, les peisantz mesmes en labourant ont souvent levé avec le soc des croustes ou plaques d’or parmy mesmes les sablons des rivieres et les pescheurs ont trouvé force grains de ce mestail trés purifié que les ravines y avoent amené des montaignes tellement que l’on trouvoit en ispaigne presque plus de gentz occupés a cuillir l’or qu’a le retirer des fruitz et cavernes de la terre quoy que a present on cesse d’y en tirer en sy grande quantité, on void encores de present les fruitz de la traitte d’aultresfois ainsy que rapportent les auteurs. 

La riviere d’Arve dessendant des plus haultes montaignes du faucigny qui sont toutes farcies de mines ainsy que le preuve en a esté faicte elle peut bien en rongeant le roc attirer ce paliage au Rosne a l’endroict ou elle se marie avec luy et ne s’en faut estonner.

Cette parroesse est comme un petit mandement de laquelle dependent trois aultres parroesses savoir Vulbens, Chevrier et dingier.  Il n’y a aucun pont sur le Rosne qui aboutisse à icelle le Sr Baron de La perriere pour sa commodité faict tenir du costé de la terre de Gex en sa baronnie un bateau vis a vis du vilage de Cologny au Vuache sus le Rosne avec lequel on peut facilement passer.  Riesre le vilage de Cologny est un membre dependant de la commanderie de genevoys appellé lhospital, le revenu duquel consiste en terres près censes rentes et fiefz vaillant en admodiation annuellement quarante couppes de froment.

Sont encores au mandement de Chaulmont la parroesse d’Espagny, celle de Jonzier, celle de Muieze, celle de Minzier, celle de contamine qui despend moitie du comté de Salleneufve en savoye, celle de Marlioz et celle de Chavannaz.

Le mandement d’Arlod confine le Rosne passant entre ledit mandement et la terre de Balon se septentrion, le mesme fluve passant entre iceluy mandement et la Biugeis d’occident d’usses séparant ce mandement davec le mandement de clairmont du midy.  Il ha une lieu et demy de longueur trois quartz de lieu de largeur et deux lieux de circuitz.

On passe dès ce mandement en france sur le Rosne par le pont de gresin qui est tout a fait du Genevoys, sur le pont d’Arlod de mesme du genevoys sur le pont de lucey et en un pont ou le rosne se passe a batteau appellé port de perrettaz.  Les françoys ont basty des quelque temps en çaz un pont qui aboutit au mesme mandement sur le Rosne appellé le pont Laverdin et tous sont bastis de bois.

Et dessus la forteresse de la grande cluse appartenant aux françois en laquelle y a gouverneur garnison ordinaire et canons en laquelle est basties toute dans le roc en un destroit que difficilement peut on passer sans toucher les murailles pour aller à Gaix et Genève du costé de Lion et seissel et laquelle n’est séparée d’avec La Savoye que par le Rosne, est un endroict fort estroit du rosne par lequel les contrebandiers des denrées avec Savoye font passer avec une corde qu’ilz tendent avec un tour tant de sacz de bled qu’ilz veulent le nuict en france pour porter a geneve sans estre apperceus, ou de mesme en temps de guerre on peut facilement estre trumpé.

Aultresfois tout le mandement d’Arlod estoit du genevoys mais a cause de l’eschange de la Bresse Biugey et Verromey on en detronqua les deux tiers que Mons de Nemours possede encore de present, et en cas d’appel des sentences rendues en Justice faut que les suiectz allent respondre a djion qu’est tout ce qu’est dela le rosne contenant une lieu d’estendue de peis de quoy le genevoys a esté raccourcy.

Le rosne vaid costoiant ce mandement iusques a seissel.  entre le pont de Gresin et celuy d’Arlod ce fluve se perd entièrement dans des concavités de roc la longueur de cinquantes pas en sorte qu’on n’est ny veu ny entendu pendant la dite distance.  Il y a un aultre endroict sur la mesme riviere ou les deux extremités du roc par lequel ce fluve passe sont sy estroittes qu’un homme y peut librement passer a pied sec  pour aller en france moiennant de petites fassines que lon met dessus, Il s’apelle mal pertuy , les françoys y tiennent garnison de leur costé Lhors tant seulement que soupçons de guerre arrivent.

dans l’enclos du mandement y ha environ trois lieux continuelles de boys de chesnes de haulte futte tres beaux et une maison bastie en un lieu appellé le regonfle entre le Rosne et les Usses appartenant à SAR ou se faict la retraitte des selz de pequex tant pour en assortir la Savoye que le peis de valey.  Les bons vins blancs de la Savoye y croissent les quelz se transmarchent presque ordinairement a Geneve et dela aux Allemagnies.  On y tient deux petites foires l’année au vilage de Mons le huictiesme septembre et le 23 novembre ou ne se vend que brebis chevres et aultres bestes a corne.

Il y a une voute et caverne aboutisant au Rosne de l’auteur d’environ six toises et longue d’environ sic centz toises large de centz dans laquelle est une chapelle et petit autel dedié à saincte foy ou la plus part des voisins vont en devotion les festes de pasques, l’office y estant celebré par le curé de franclens qui perçoit les offertoires sans qu’il en aie aultre revenu pour n’y avoir aucune fondation.  Cette caverne a esté faicte par des massons qui y ont de tous temps tiré quantité de pierre blanche servant a faire des Autels fenestrages et portes a forme de marbre, il s’y en tire encores de present annuellement quantité qui se débite et transmarche à Lyon par dessus le Rosne laquelle pierre est de fort facile taille.

Il y avoit iadis dans ce mandement un chasteau appellé Merard assés fort et dans lequel on se pouvoit tenir en deffence mais a present demoly par les françoys Lhors de la derniere arrivée du Roy Louis en ce peis.  Il appartenait au sr de Balon.  Il y a encores le chasteau de Chastel qu’est en bon estat et fort a la main outre plusieurs aultres petitz chasteaux et juridictions subalternes.

Ce mandement est composé de huict parroesses, celle d’Esloises contenant deux vilages, celle de St Germain contenant quattre vilages, celle de franclens contenant un seul vilage, celle de sallonge contenant deux vilages, celle de Bassier et Veitrens contenant deux vilages, celle d’uzinens contenant quattre vilages, celle de Vanzier contenant de mesme quattre vilages, et la parroesse de chesne contenant cinq vilages.

Outres lesquelles est un prieuré appellé Chesne a present possedé par Reverend Messire Robert de Bonevaulx habitant au dict chesne le quel prieuré est du revenu de six centz florins fundé soubz la regle de st Benoit.  L’exercice de justice se faict Usinens par le chastelain et aultres officiers du seigne duc de Nemours et par ceulx qui sont establis pour les seigneuries subalternes.

Le mandement de Curseilles contient trois Lieux de longueur et peu moins de largeur confinant aux mandementz de Mornex Et la Roche du Midy, Mandementz d’Annessy et de La Balme d’occident, ceulx de Selleneufve et chaulmont de septentrion le balliage de ternier d’orient.

Il y a une ville appellée Curseilles laquelle anciennement estoit close de murailles fossoiee et forte pour la main et maintenant par la rigueur des guerres passés les murailles et fossés entierement ruinés, n’y restant que environ soixante feus, deux chasteaux soit vieilles masures qui estoent anciennement des comtes de Genevoys Et le reste habité de sept a huict maisons de gentilzhomes le surplus sont gentz de mestier qui ont commodité de traffiquer pour estre cette vile situee en lieu opportun pour le passage de Geneve en Italie distant de Geneve trois lieux, autant d’Annessy et de La Roche et quattre lieux de Rumilly et Seissel. ayant marché tous les iours de Lundy  Et quattre foires l’Annee, a Pasques, Pentecostes, Le Lundy apprès la nativité de nostre dame en septembre appellee des Vau, Et le lundy apprès la sainct Martin, lesquelles tout de mesme que les marchés abondent en bestail a cornes et Chevaulx et quantité de marchandz estrangers qui les frequentent.

Il n’ya dedans qu’une seule Eglise parroessiale soubz le vocable de St Maurice La Cure estant annexee de temps immemorial a la Saincte Chappelle du chasteau de Chambery, le chapitre estant tenu d’y entretenir trois prestres et vault de revenu annuel toutes charges portées cent escudz.  La vile a esté presque toute bruslee de quarante annees en çaz huict fois a cause de la disette d’eau laquelle les abitantz sont contrainctz conduire dedans par des borneaux des plus de demy lieu loing.  Il y a douze vilage en la parroesse de la vile Et ses armes sont une coquille de mer d’argent en champ de gueule.

dans ce mandement entre deux des vilages de Noirey et fechies sont des cavernes et concavités de rocz sy spaiceus et profondes et de sy perillieux abord que les vilageois voisins y aians retiré pendant les guerres leurs facultés n’ont iamais peu estre forcés ny pris des Ennemys.

Il y a encore une source d’eau sulfuree qui est receue dans des vieilles mazures faictes a forme de bains dans la quelle les malades ulcerés galeux et aultres infirmes se vont baigner et recoivent guerison, neantmoins des soixante années en çaz les chemins s’y estans rendus difficiles par les ravages d’eaux ce lieu est peu frequenté.

La montagne de Salevoz renommée pour le bon fruict entre toutes celles de Savoye Et de laquelle on void Geneve a plein est en partie riesre ce mandement laquelle peut havoir trois lieux de longueur et environ une petite lieu de large peuplée de quantité de granges pour la retraitte du bestail, abondante en bons foins et pasturages a la quelle se tiroit anciennement des mines de fer, fertile et laborable en divers endroictz abondante en boys de haulte futaye comme encores en gibiers, cerfz, sengliers, ours, loups servis, lievres, renardz, bléreaux quantité de faisans gelinottes perdris bécasses et aultres oiseaux communs.

Ce mandement contient unze parroesses, celle de Curseilles, celle de Nouey, celle de menthonex, celle de Villi le Boveret, celle d’Avrigny, celle de cersier, celle de copponex, celle d’Andillier a la quelle y a grande dévotion pour la goutte a St Saphorien Et la se tient foire fort signalee le iour feste de ce sainct ou se vend quantité de bestes a corne et chevaulx Et y aborde quantité de marchandz estrangers, la Cure vault cent ducattons toutes charges portés. La parroesse de Cernex dans la quelle se travaille Et met en oeuvre quantité de soye ; la parroesse de st Blais perilleuse au passage tout de mesme que le mont cinis a cause des orages Et qu’elle est contigue au mont de Sion passage ordinaire des Viry a Geneve, la parroesse de presillier la cure de la quelle despand de la Chartreuse de pomier qui y tient un vicaire, est dans son encloz.  Ce couvent est situé au pied de la montaigne de Salevoz est fort ancien et estimé pour le troiziesme ou quatriesme de l’ordre, fondé par les comtes de Geneve et agrandy en revenus par ceulx de genevoys bien et abondamment renté, bien basty et dans iceluy sont quantité d’anciennes sepultures des Princes fundateurs Et bien facteurs, le lieu est fort agreable et plaisant.

La Justice s’exerce par les chastelains et officiers du Prince et aultres des seigneurs subalternes.  Le Mandement est fort propre pour loger de cavallerie. »

 

 

 

 

 

 

 

Lexique alphabétique :

 

Ph. Duret

 

- Allonzier : les bains de la Caille, dûs à deux sources sulfureuses au fond de la vallée des Usses en aval du pont, étaient fort célèbres.  On les signale déja en 1447 et 1475.  Ils tombérent en désuétude au XVIIIe s. (, J.Y. Mariotte et alii, Histoire des Communes Savoyardes, t. III, éd. Horvath, 1981, source souvent utilisée ici).

- Amilcar Barca : général carthaginois qui entreprit la conquête de l’Espagne en -237. Il fut tué en -229.  Son oeuvre fut poursuivie par son gendre Hasdrubal et son fils Hannibal.

Le passage sur les mines d’or d’Espagne est emprunté à plusieurs historiens antiques.

Polybe (Histoires, XXXIV 9-8) : « quarante mille ouvriers y travaillent ». Strabon aussi (Géographie, III 2-7 à 2-14) : « les rivières et les torrents charrient en effet, un sable aurifère qu’on trouve en beaucoup d’endroits. (..) Dans une campagne conduite par Barca les Carthaginois arrivant par surprise chez les Turdétans découvrirent, à ce que disent les historiens que leurs tonneaux et les mangeoires de leurs chevaux étaient d’argent » (à propos de l’Espagne du sud), chez les Tarbelli ( Pyrénées) on trouve des « lames d’or allant jusqu’à remplir la main »

Quand à Pline (Histoire Naturelle, 33, 96-98) : « Chose étonnante, les puits ouverts par Hannibal dans toute l’Espagne sont encore en exploitation, ils portent toujours les noms de ceux qui ont découvert le gisement.  Un de ces puits, qu’on apelle aujourd’hui Baebelo fournissait à Hannibal 300 livres de métal par jour ». Voir aussi Diodore, V, 38.

Baebelo est difficile à situer ; selon certains historiens cela pourrait être la région de Tarragone, vers Barcelone, ou celle de Huelva, dans le golfe de Cadix.

L’orpaillage (recherche de l’or dans les cours d’eau, du vieux français harpailler = saisir, mot de la même racine que harpon) se pratiquait un peu partout en Savoie.

On le signale dans le mandement de Léaz-Balon-l’Ecluse, dans ceux de Chaumont,  Gex, Ternier dès le XIVe s.au moins.  On le pratiquait encore à Vulbens au XIXe s.

Certains savants estiment que l’or du Rhône a été charrié depuis les Alpes par l’Arve alors que d’autres pensent qu’il a été abandonné par les grands glaciers préhistoriques.

«  Bien peut Savoie avoir même nom

(que les flots du Pactole)

Pour ses ruisseaux qui d’or ont pris le nom

Même le Rhône a son areine blonde »

J. Pelletier, « La Savoye », 1572

- Aricoques : domaine viticole entre Frangy et Planaz (Desingy). Barfelly fait allusion de manière plus générale à la Roussette de Frangy.

- Andilly : on y vénérait saint Symphorien.

- Bonevaulx (Robert de) :

- Borneau : tronc d’arbre évidé pour servir de canalisation d’eau. Mot patois.

- Carabache : Le Dictionnaire de l’argot (Colin, Mével, Leclère, éd. Larousse) signale le mot carambage forme ancienne de carambouille : escroquerie.  Selon le Dictionnaire étymologique de Bloch et von Wartburg, cela viendrait de l’espagnol carambola, tromperie, lui-même dérivé d’un mot malais.  Ici Barffely utilise ce mot pour souligner qu’il désapprouve l’excès de liberté dont jouirait le commerce à Chaumont.

- Cavernes :

- Cernex (soie) : l’industrie de la soie se développe à Annecy à partir de 1613 (R. Devos, les maîtres mouliniers de la soie d’Annecy au XVIIe s., Mém. et Doc. Académie Salésienne 1976)

- Chastel :  petit château à Chatel, commune de Bassy, au bord des Usses.

- Chaumont (château) : il se trouve à 50 m. au-dessus du bourg et contrôlait l’importante voie romaine de Genève à Seyssel, il est signalé pour la première fois au XIIe s.  Les seigneurs de Sallenove le vendirent aux comtes de Genevois.  Ceux-ci accordèrent au XIVe s. des franchises au bourg.

- Chaumont (marché) : le bourg obtient des libertés dès le XIIe s. ; elles sont confirmées par une charte de 1310.  La ville avait son marché, ses foires, un hôpital, une école, un péage ..

- Chesne, prieuré :  Chêne-en-Semine avait un petit prieuré clunisien dépendant de Nantua.

- Circuit : circonférence.

- Cluse : actuellement Fort l’Ecluse. On signale pour la première fois en 1292 une maison de la Cluse.  Le château ne fut vraiment construit que vers 1302-1306 par les seigneurs de Genevois et de Gex.

- Cologny : hameau de l’ancienne paroisse de Bans, sur la rive gauche du Rhône.  Il y avait là un domaine templier qui passa plus tard aux Hospitaliers.  Voir mon article dans Echos Saléviens n°3, 1993.

- la comté de Viry : en 1598 le territoire de Viry est érigé en comté en l’honneur de Marin de Viry chambellan et conseiller des ducs de Savoie, chef des troupes savoyardes (Grillet).

- Contrebandiers :

- Copeau : côteau ?

- Curseilles : Cruseilles.  Grillet confirme que la ville avait des murs encore en 1590, qu’il y a eu des incendies en 1532 et 1590 (attaque des Genevois contre la garnison espagnole), que son église fut réunie à la Ste Chappelle de Chambéry en 1478.

La ville avait en 1732 plusieurs châteaux, celui des ducs, celui de Pontverre, celui de Beccon, celui du Perron, celui de Lattard.

- Degrés : marches d’escalier.

- Dernier : derrière.

- Des soixante années en çaz : il y a de cela soixante ans.

- Ducatton : pièce valant 7 florins en 1680 ?

- Escudz : pièce d’argent valant entre 3 et 5 livres.

- Egiptiens : surnom donné à l’époque aux Tziganes.  Venus de l’Inde, ils sont signalés en Hongrie et en Allemagne en 1417 et à Paris en 1427. Ils sont appelés Egyptiens car ils disaient venir de Petite Egypte, un quartier de la ville de Modon, en Grèce (Nicole Martinez, Les Tsiganes, Que Sais-je n°580).

En 1555 on parle d'une "bande de Sarrazins ou Egiptiens" descendant la rive droite du Rhône en direction de Seyssel (A.D.H.S., 21 J 52).

- Fechies : Féchy, hameau de Cruseilles.

- Foires à bestiaux de Cruseilles : « d’après le témoignage des anciens un nommé Duret, boucher et marchand de bestiaux serait venu s’installer à Menthonnex il y a environ 400 ans, peut être davantage et serait le père de toutes les familles qui portent ce nom.  Les vieillards ont même remarqué que la plupart des Duret, de père en fils, et dans toutes les branches, ont conservé une aptitude spéciale pour le commerce et qu’ils ont toujours fourni des négociants et des marchands de bestiaux, comme se voit encore aujourd’hui à Villy et à Menthonnex ». (Notes manuscrites de l’abbé Henri Descombes sur Menthonnex en Bornes, vers 1928, transmis par Jean Duret).

Toute la région de Cruseilles servait à alimenter Genève en viande.  Les marchands genevois fournissaient aux paysans de la région du bétail qui servait l’été aux travaux des champs. A l’automne ils récupéraient les animaux bien engraissés (Jean Nicolas, la Savoie au 18e s.).

- Franclens :

- Gabelle : taxe sur le sel.

- Gex : parfois on écrivait Jas, Jacio, Gayo, Gesse, Gez, Jeiz, Gaix ». (U. Chevalier, inventaire des archives des dauphins.., 1871, n° 1498, 1648 ; M.C. Guigue, topographie historique du département de l’Ain, Lafitte Reprints 1976).

- La Perrière : lieu-dit de Challex (Ain) sur la rive droite du Rhône en amont de Bans.  Le bac en question est aussi mentionné en 1666 : c’est un « bateau et une chesne pour lattacher » (A.D. Ain, déclarations des biens des communautés, de Bouchu).

- Leyde : redevance seigneuriale perçue sur les marchés.

- Lieu : mesure ancienne représentant un parcours effectué en une heure, généralement de 4 à 5 km ; la lieue de poste vaut 12 km environ.

- Loups de Clarafond : F. Fenouillet (Mémoires Société Savoisienne tome 54, 1913, p. 239) signale des loups à Savigny en 1748-1751.  Les registres paroissiaux de Chevrier les mentionnent aussi en 1748-1749.

- Loups servis : loup cervier, espèce de lynx européen des régions montagneuses ou froides.

- Mérard : Méral ou Mérard, maison-forte sur la paroisse d’Eloise.  Elle avait un rôle important car elle surveillait le fleuve.  C’est pourquoi les Français la rasèrent en 1630.

- Moret :

- Nemours (Monseigneur de) : un des fils d’Henri 1er duc apanagé de Genevois et aussi duc de Nemours en France (1572-1632).

- Noirey : Le Noiret, hameau de Cruseilles.

- Offertoire : nappe de toile dans laquelle les diacres recevaient autrefois les offrandes des fidèles

- Parnant : Fornant ?

- Parroesse : paroisse.  La prononciation OI, OA était considérée comme condamnable, vulgaire et dans la « belle société » l’on recommandait de prononcer OÉ.

- Perretaz : peut-être Perreyroux, hameau de Seyssel ?

- Perte du Rhône : Ne pas confondre deux brêches. La première faisait 27 pieds ; on y accédait depuis le lieu-dit « Le Dos de l’Ane » à Eloise, à 500 m. en amont de Bellegarde. A vrai dire le fleuve ne s’y enfouissait qu’en période de basses eaux (hiver) et ce, sur une longueur de 60 m. En 1828 elle disparut car on fit sauter les rochers pour faciliter le transport fluvial. La deuxième brêche se trouvait en aval de Bellegarde, au pas de Malpertuis, à l’emplacement de la Planche d’Arlod : à cet endroit la faille ne faisait que 6 m. de large.

(Cf P. Dufournet, Pont et passages .., Revue Savoisienne 1973 et Vivien de Saint-Martin, Nouveau Dictionnaire de Géographie Universelle, 1892, art. Rhône).

- Pom(m)ier : établissement dépendant de la Grande Chartreuse, fondé vers 1170 dans un lieu désert et entretenu grace à la générosité du seigneur de Salève et du comte de Genève. Les comtes s’y faisaient effectivement enterrer. Cf Grillet t. III p. 184 et Echos Saléviens n°1, article de Marielle Deprez.

- Pont d’Arlod : c’était une passerelle légère, avec un madrier, au dessus du pas de Malpertuis, en aval de Bellegarde. Voir Perte du Rhône.

- Pont de Grésin : à l’Est d’Eloise. Il prenait appui sur un rocher saillant au milieu du fleuve (P. Dufournet op. cit.).  Le traité de 1601 prévoyait que ce pont demeurerait au duc, mais que son accés devait être libre à tous.  Il permettait le transport des troupes espagnoles du sud vers la vallée de Chézery et de là vers la Franche-Comté qui était espagnole à l’époque.

- Pont de Laverdin : à Bellegarde.

- Pont de Lucey : à Bellegarde, petit pont de bois, là où le Rhône disparaissait.  Il fut souvent emporté par les crues (Paul Joanne, Dictionnaire géographique et administratif de la France, 1890)

- Présilly : sa cure dépendait de Pomier.

- Saint-Blaise, lieu de passage qui avait d’ailleurs un hospice au Moyen-Age.

- St Saphorien : voir Andilly.

- Toise :

- Verboz (Claude de) :

- Verromey : le Valromey.

- Vuache : le Vuache n’est pas une paroisse mais un mandement vassal de celui de Chaumont. Il comprenait quatre paroisses : Bans (dépendant de Vulbens depuis la chute de son église à la fin du XVIe s.), Chevrier, Dingy et Vulbens.

 

 

Illustrations :

 

Couverture du volume (B.N. Manuscrits français 32 887)

une des pages du manuscrit

la généalogie ? (elle est en partie fausse)

château de Mérard, Chaumont, Pommier, Chastel

ville de Cruseilles

un des ponts du Rhône

carte du Rhône, de la région

 

 

Bibliographie :


- Avezou, communication in Revue Savoisienne 1932, p. 246

- Callies (colonel A.),Sur un manuscrit du XVIIe s., Revue Savoisienne 1939, p. 87

- Pierre Duparc, Un manuscrit du XVIIe s. sur le Duché de Genevois, in Revue Savoisienne 1941, p. 143

- Description d’Annessy et de quelques autres lieux de l’apanage de Genevois au XVIIes., à Annecy, chez Gardet et Garin imprimeurs et libraires, avec introduction de Pierre Duparc, 1942.

- Revue Savoisienne 1863, p. 38

 

[1] Paul Guichonnet et alii, Histoire de la Savoie, éd. Privat, 1973, p. 238 ; A.D.H.S. E 522, 526, 528, 543

[2] Roger Devos, Bernard Grosperrin, La Savoie de la réforme à la Révolution Française, éd. Ouest-France, 1985 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité