Le journal de Victor Gay, de Vulbens

UN ROMANTIQUE LIBÉRAL : VICTOR GAY

Extraits de son journal, de 1834 à 1895

in : Echos Saléviens n° 10, année 2001

Extraits

Victor Gay fait partie d’une lignée de notaires et agents seigneuriaux présente depuis longtemps dans la région du Vuache (un petit pli du Jura au nord-ouest de la Savoie). […]

La Savoie de 1815 fonctionne comme une machine à remonter le temps, un vestige historique. Un pays exotique en somme... De 1815 à 1848 l’aristocratie confisque les postes élevés pendant qu’un clergé autoritaire et dynamique agit comme un véritable parti politique, militant pour le retour au « bon vieux temps ». Un extrémiste comme Mgr de Thiollaz évêque d’Annecy (1823-1832) veut éliminer la « lie de la Révolution » ; plus tard Mgr Billiet archevêque de Chambéry (1840-1873) décrira la société post-révolutionnaire comme « une vigne ravagée par le sanglier de la forêt ». Les ecclésiastiques échappent aux juridictions ordinaires et se font entretenir par le budget provincial. Le mariage civil est aboli, le « nouveau » régime successoral écarte les filles au profit des garçons, les cadets au profit de l’aîné.

Quand à l’économie, elle roupille, entravée par le protectionnisme (47 % de taxes sur le sucre) et la faiblesse de l’Etat qui ne dispose pas de ressources fiscales suffisantes. Les grands travaux restent en panne. La censure contrôle les journaux et les livres. La police et certains curés surveillent les suspects. Par exemple, des prêtres se renseignent sur Victor Gay et en 1843 font pression pour qu’il se confesse (il refusera). Dans son journal il évoque à de multiples reprises l’inquisition politique exercée par la police sarde. Et les paysans se laissent facilement manipuler par les traditionalistes.

Pourtant un petit courant libéral revendique le respect des libertés et du pluralisme par l’Etat, qu’il s’agisse de vie privée, de religion, de politique ou d’économie. Son libéralisme place la Raison et l’Individu au poste de commandement et s’oppose tant à la monarchie absolue qu’à l’Eglise. De jeunes bourgeois soulèvent la chape de plomb, s’ouvrent au monde et montrent des sentiments francophiles. […]