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Histoire du Genevois
3 octobre 2010

La maison Micheli à Landecy

landecy

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Samedi 2 octobre 2010 la Société de Généalogie de Genève

  (http://www.gen-gen.ch/?a=20)

avait organisé la visite de la maison patricienne des Micheli à Landecy, commune de Bardonnex, canton de Genève, Suisse.

 

 

Nous étions une cinquantaine, fort bien reçus par les propriétaires.

 

Nous entrons dans un parc magnifique.

Au loin on voit le jet d’eau de Genève.

Un superbe tapis de cyclamens violets s’étend sous des cèdres du Liban deux fois centenaires.

landeLe premier cèdre du Liban est introduit en Europe par Jussieu, en 1734, et se trouve au Jardin des Plantes de Paris. Au même moment, de nombreux cèdres sont plantés en Savoie, (cimetière de Bellevaux), à Genève, Landecy etc.

Au début du XIXe s, la Révolution française étant close, ce jardin à la française devient un parc à l’anglaise.

 

CETTE PROPRIETE DE LANDECY  EST D’ABORD TENUE PAR LA FAMILLE PERDRIAU.

 

Au XVIe siècle les Perdriau quittent la Touraine, région très protestante, pour se réfugier à Genève.  300px_Massacre_saint_barthelemy

 Avant même les massacres de la Saint-Barthélémy, ils fuient la guerre civile qui déchire le royaume de France.

Jacques Perdriau, né vers 1535 à Tours,  marié en 1561, arrive à Genève avec sa femme et ses deux fils ; il est reçu bourgeois de la ville en 1572. C’est un riche marchand.

 

En 1599 son fils lui aussi nommé  Jacques Perdriau, épouse Judith Fontbonne.

La famille Perdriau a plusieurs maisons à Collonges-sous-Salève et aux environs.

 

Le fils de Jacques et Judith se nomme Pierre Perdriau (1613-1641).

Vers 1630 il épouse Elizabeth  Bolacre ou Baulacre (1613-1693).

Les Baulacre sont aussi des protestants de Tours ayant gagné Genève à l’époque des Guerres de Religion. La mère d’Elizabeth était une Pellissari, une famille de  fabricants de soie à genève.

Pierre Perdriau meurt  très jeune et sa veuve se remarie. Elle développe l'affaire héritée de son premier mari et à laquelle son fils sera associé. Elle se spécialise dans la fabrication de fils d'or et d'argent utilisés dans la passementerie ou mêlés à la soie dans le tissage d'étoffes précieuses.

Par les contrats qu'elle signe avec les ouvriers, elle s'assujettit plusieurs centaines de travailleurs à domicile (1200 selon le chroniqueur Gregorio Leti), leur fournissant l'outillage et la matière première, passant les commandes et se chargeant des ventes.

Elizabeth Baulacre veille de près à ses affaires et veille à ce que ceux qui travaillent pour elle soient correctement traités. En leur avançant généreusement  de l’argent, elle les rend dépendants.

 « Le salaire peut être fixé au mois. Il est composé d'une somme fixe, en espèces de 3-4 écus par mois (1665) ou 6-7 écus (1680), et des prestations en nature, dont le logement et les fournitures nécessaires au travail (qu'il faut distinguer des outils). Mais le plus souvent, le tireur d'or est payé selon la quantité et la qualité du travail qu'il fournit : Jérémie Monthion et Abraham Chenevière, maitres tireurs d'or, s'assujettissent à Madame Baulacre et à son fils, pour cinq ans en 1665. Elisabeth promet de les entretenir de besogne d'or dont elle leur payera la façon au prix convenu, soit 6 florins par marc de superfin ordinaire et 8 florins de superfin fin, en plus des prestations habi¬tuelles en nature, logement, froment, huile et fournitures . […]

Parfois Madame Baulacre place elle-même, chez les maitres tireurs dort des ouvriers qu'elle s'engage à payer directement à condition qu'ils promettent de ne travailler que pour elle.  […]

L'apprentissage de tireur d'or dure, de par les ordonnances, six ans (cinq ans pour les fils de maîtres) et coûte 300 florins. Elisabeth place elle-même des apprentis chez des artisans qui travaillent pour elle. Elle paie les 300 florins au maître d'apprentissage et, presque toujours, un supplément pour l'entretien du jeune homme.

Nicolas Baudet, par exemple, est assujetti par Madame Baulacre, en 1639, comme apprenti tireur d'or chez Jean Chaponnière. ll est tenu de servir fidèlement ledit Chaponnière « qui dépend du negoce de ladite Darne ». Chaponnière nourrit, couche, blanchit Nicolas « et luy monstre tous les outils », moyennant 300 florins payés par Elisabeth à cette condition que, passé le temps d'apprentissage, Nicolas sera obligé de servir ladite Dame «soubs la main dudit Chaponnier jusques à ce qu'il plaise à Dieu d'appelter à soy ledit Chaponnier ».

Pierre Bordier, de même, apprenti en 1670 chez Louis Perrot, maître tireur d'or, promet, après son apprentissage de ne tra¬vailler que pour Elisabeth Baulacre qui a payé 300 florins à Perrot.

A David Dunant, Elisaheth paie l'apprentissage et l'entretien (six écus par an), et un écu pour le faire inscrire sur le livre des maîtres tireurs d'or, selon les ordon¬nances. En revanche, David promet de ne travailler que pour elle.

Quant à Abraham Testu, non seulement Madame Baulacre se charge des frais d'apprentissage, mais elle s'engage à lui faire obtenir la maitrise et à lui fournir un logement, les chandelles et les outils, à condition qu'il ne travaille que pour son service «sans discontinuation sauf congé ou legitime occasion».

Enfin, elle fait entrer, en 1683, Jean-Marc Dunant chez Pierre Sermoud, maître tireur d'or, lequel, en six ans, apprendra au jeune homme « la crainte de Dieu et les bonnes moeurs » et son métier sans rien lui celer et pour autant qu'il le pourra comprendre. Il le nourrira, te logera, le blanchira, contre 300 florins, 10 écus par an pour l'entretien et 2 pistoles d'épingles pour sa femme. Elisabeth paie tout […]. »

Elle prête avec un intérêt de 6 %.

Pour se libérer d’une dette se montant à 4500 florins le tireur d’or Isaac Baudit doit lui céder une maison à Certoux. Un de ses collègues doit abandonner ses droits sur une maison qui jouxte une propriété d’Elizabeth.

Son entreprise fut la plus importante de Genève entre 1680 et 1708. Elle se retrouve à la tête d’une immense fortune, la deuxième de Genève. Elle la réinvestit d’une façon traditionnelle, dans des immeubles de la ville et des domaines ruraux aux alentours. Elle avait la réputation de « faire » l’élection des syndics.

 

Pierre Perdriau (1638-1700) - fils de Pierre et Elizabeth - travaille comme fabricant et marchand de dorure à Genève ; il est aussi banquier. Il accède à des fonctions politiques et devient conseiller du Petit Conseil, puis syndic de Genève. Il semble s’intéresser davantage à la politique qu’au commerce. 

Il épouse en 1664 Andrienne de La Rive (1645-1718).

Pierre sera moins fortuné que sa mère (Elizabeth). En effet, la production genevoise de fils d'or décline. Les ouvriers entrent en conflit contre les patrons et exigent des augmentations de salaires. La France de Louis XIV et Colbert pratique le protectionnisme pour développer une production autour de Lyon. Les guerres européennes entravent les exportations genevoises vers l’Allemagne et les marchands genevois ne sont pas très attentifs à la fuite de leurs marchés au profit de la concurrence. .

Genève doit donc se reconvertir vers d’autres activités comme la banque, l’horlogerie, les indiennes (tissus)…

Les Perdriau seront victimes de cette mutation et leur fortune va descendre d’un cran.

 

Parmi les fils de Pierre et d’Andrienne, l’un hérite d’un domaine à Cointrin, de biens à Genthod, à Genève, à Saint-Gervais etc. Ses fils reçoivent un domaine à Servette.

Un autre reçoit des biens à Collonges-sous-Salève, des moulins à Bossey et Collonges, des terres, bois et vignes sur le Salève, des droits seigneuriaux à Villars etc.

Le troisième fils est Ami, qui suit. 

 

Ami Perdriau (1669-1739), membre du Conseil des Deux-Cents,  épouse en 1693 Françoise Calandrini (1674-1759).

Il a reçu en héritage le domaine de Landessy, des maisons à Genève, des biens sur le Salève…

Moins fortuné que sa grand-mère Elizabeth, il a encore de quoi financer la rénovation de sa vieille maison de Landecy.

En 1719 une nouvelle construction est faite sur la partie nord du bâtiment. C’est celle qui s’offre à nos yeux. Elle est de style Mansart, avec de petites fenêtres et des colonnes toscanes supportant un balcon.

 

A la fin du XVIIIe siècle la famille Perdriau s’éteint.

Ami-Théophile Perdriau (1729 - 1799), petit-fils de Ami Perdriau et de Françoise Calandrini, continue de travailler dans la dorure et le travail des métaux précieux. Il est membre du Conseil des Deux-Cents. Il épouse Marie Michée Buisson (1750-1829),

De cette union naissent deux enfants morts jeunes et Louise Henriette Perdriau, dernière représentante de la famille.

 

Henriette Louise Perdriau (1776-1858) épouse en 1799 Horace -Louis Micheli (1776-1845), conseiller d'État de Genève, syndic, capitaine au service de la Prusse.

 

A la fin du XVIIIe s, la maison de LANDECY passe des PERDRIAU aux MICHELI. 

 

D’où viennent les Micheli ?

LucquesCette famille de la noblesse italienne  remonte à la fin du XIIe siècle. Les Micheli sont expulsés de Lucques en 1308 par une révolution démocratique. Puis ils y reviennent. François Micheli s’installe à Genève où il est reçu comme bourgeois en 1556. Ses descendants tiennent des droits seigneuriaux à Pougny. Beaucoup d’entre eux firent carrière comme militaires.

 

Entrons maintenant dans la maison.

 

Au rez-de-chaussée, voici le Grand Salon.  Il est décoré en style Louis XV et avec des toiles peintes en 1772 par Philippe Rey, de Marseille. Ces toiles aux tons roses représentent des ports, des « turqueries ». Tout autour, des boiseries vertes.

Auparavant les murs étaient couverts de cuir doré de Cordoue.

Au plafond, un lustre qui avait été acquis en échange de… confitures.

Un inventaire de 1736 mentionne les guéridons, un « cabaret des Indes », plusieurs lits, un bois de lit « à la duchesse » (chaise-longue capitonnée), plusieurs objets à la mode chinoise, des meubles « à la Dauphine ».

 

Voici maintenant le Petit Salon, de couleur verte. Les murs portent de nombreux portraits. On voit celui de Léonard Perdriau (1773-1797), frère de Louise Henriette. Un portrait de Lyotard.

 

Dans le mur séparant le Petit Salon de la salle à manger, un vieux poële en faïence blanche.

 

Dans les murs de la maison Micheli, on a découvert le plus ancien document épigraphique de Genève : une pierre avec le nom de Publius Decius Eusunertus et une date correspondant à l'an 8 avant notre ère. Ce Publius Decius Eusunertus  était membre de l’aristocratie locale et son nom d’ Eusunertus est typiquement celte. C’était donc une famille en voie de romanisation.

 

Sources

 - Généanet, pages généalogiques de Lionel Rossellat, membre de la SGG.

- Anne-Marie Piuz,  L'économie genevoise de la Réforme à la fin de l'Ancien Régime aux XVI et XVIIème siècles

 -http://books.google.fr/books?id=eE4jWAJUurEC&lpg=PA539&dq=Perdriau%2Bmaisons%2BCollonges&pg=PA523#v=onepage&q=Perdriau+maisons+Collonges&f=false 

- Anne-Marie Piuz,  À Genève à la fin du XVIIe siècle : un groupe de pression. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 2, 1970. pp. 452-462.

url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1970_num_25_2_422228

- Anne-Marie Piuz, Un aspect de l'économie genevoise au XVIIe siècle, la fabrique de dorures d'Elisabeth Baulacre, in Mélanges Paul-Edmond Martin, Mém. Soc. Hist. Archéo. Genève, tome XL, 1961. 

- http://archives.tdg.ch/TG/TG/-/article-2001-07-735/bardonnex-refuge-de-l-oiseau-d-athena--et-des-plus-vieux-cedres-du-cantonbalade-la-campagne

- http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F28557.php

 

 

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